RÉSISTER PAR LA BEAUTÉ
Voilà c’est dit… Nous emprunterons comme devise pour 2006, cette petite phrase décrochée au détour d’une conversation par Dominique Dubosc, l’invité de cette dixième édition… Difficile d’envisager plus emblématique parcours que celui que nous propose sa filmographie, nourrie de multiples références, Conrad, Michaux, Leiris, Magritte ou David Roberts… Scandé d’autant d’étapes géographiques que créatives : les années 60 en Amérique du Sud, le compagnonnage avec Piaget et les « Lip » les rencontres et collaborations avec Jean Rouch et Jonas Mekas, Robert Kramer ou le metteur en scène de théâtre Philippe Adrien, la Guerre du Golfe, l’introspection filmée, la Palestine… Les débuts en 16mm et aujourd’hui l’auto édition en DVD, la multiplication des dispositifs de monstration des oeuvres vidéos et sonores. Un parcours en trois mouvements, une douzaine de films, de formes courtes et une installation La Chambre d’écoute. Poétique et politique, engagé et contemplatif, introspectif et ouverte sur le monde, ce parcours de cinéma avec les 21 films de la sélection Premier Geste, comme avec les différents propositions du Cabinet d’Essai et de Curiosité. Toutes faites pour susciter de nouvelles expériences de spectateurs, éprouver des sensations singulières, développer l’acuité du sens critique… La pensée, le songe, la rêverie… Construire son propre espace de représentation, de projection comme le permettra notamment le long métrage radiophonique, de projection Les Mangeurs de pommes de terre de Yann Paranthoën, le « tailleur de sons » ou dans d’autres registres le dernier opus de Sergueï Loznitsa ou la vidéo kazakhe de Alexander Ugaï.
Il y a mille causes à défendre dans un monde incertain. Mais faut-il attendre du cinéma qu’il s’en fasse l’étendard ou le didacticiel, éclaireur de sens ? Consigner la démarche documentaire, la démarche artistique dans ce cadre là, c’est préférer la simplification voir le simplisme quand les questions sont complexes, toujours. C’est privilégier l’identification primaire et le pathos. C’est ne pas croire (ou ne pas vouloir faire appel) à l’intelligence du spectateur, sa liberté, sa curiosité, son pouvoir imaginaire, ses capacités sensibles. L’exacte contraire de ce nous vous proposerons du film d’ouverture Il était une fois le salariat d’Anne Kunvari à celui de la clotûre, Notre pain quotidien de Nikolaus Geyrhalter, deux films sans aucune parenté formelle mais reliés par le même caractère infiniment politique de leur vision du monde. Politique tout autant est la démarche d’atelier de réalisation documentaire pour ce « goût du collectif » qu’elle induit et qui s’oppose à la sacralisation de l’auteur : deuxième édition de L’Observatoire, avec un éventail d’objets filmiques et d’expériences très variées. Rien n’empêche le politique de proposer une autre écoute. Alors Doc concert ! Avec le film palestinien Alsateh de Kamal Aljafari et les chants de Kabylie de Djamel Allam.
Dix ans de festival, c’est l’occasion non de s’auto-célébrer mais par quelques regards sur l’aide à la création en Val-de-Marne de pouvoir en apprécier la diversité : du court-métrage où la fiction se nourrit du réel au documentaire d’investigation, des recherches plus expérimentales à l’exploration des arcanes d’un film en cours, A coté (titre provisoire) de Stéphane Mercurio. Et si nous vous proposons plusieurs avant-premières, c’est essentiellement parce que nous aimons les films et les parcours de leurs auteurs : Nikolaus Geyrhalter, Vincent Dieutre, ou Jean Paul Fargier qui poursuit ici l’oeuvre de Jean Daniel Pollet avec Jour après Jour. Rendre « hommage » à Pollet c’est regarder une part du cinéma qui nous manquera définitivement. C’est aussi pour Les Écrans Documentaires renouer et faire retour avec les « origines » en programmant Dieu sait qui, c’est inviter Pierre Borker, le créateur de la manifestation, alors à Gentilly, en 1986…
Bonne découverte à tous.
Didier Husson – directeur artistique