Jean-Louis Comolli et Michel Samson
- 1989
- 160’
- Archipel 33 (Denis Freyd), I.N.A. (Claude Guisard), Centre Pompidou, France 3 (Océaniques), La Sept (Thierry Garrel)
- France
Partie 1 – Ombre sur la ville Partie 2 – Coup de mistral Municipales de 1989 Nous avons commencé à filmer la vie politique marseillaise en 1989. Une élection municipale. Celle qui devait décider de la relève de Gaston Defferre, mort deux ans plus tôt. Marseille de père en fils ? Héritage impossible ! Pourquoi ? L’ombre de Defferre écrasait tout – et d’abord le Parti Socialiste. Elle empêchait de voir à quel point la ville avait changé. Deux scènes se partageaient le film – le clivaient : celle de la lutte à mort des héritiers socialistes de Gaston Deferre (Pezet, Vigouroux, Weygand, Sanmarco) ; celle de Marseillaises et de Marseillais qui, à l’écart et même dans l’ignorance du combat politique, poursuivaient leur rêve de Marseille. Pour la plupart, ces personnages étaient d’anciens ou de nouveaux migrants marseillais : Arméniens et Algériens. De tels personnages avaient pour nous toute leur nécessité, précisément parce que l’histoire que nous racontions – celle de l’impossible héritage des pères-héros, ou si l’on veut, du début de la décomposition du parti socialiste (du socialisme en France) – se faisait sans eux, en leur supposée absence. Pendant que Jean-Claude Gaudin, mal remis de ses compositions avec le Front National s’interrogeait sur sa défaite, pendant que le mystérieux Robert Vigouroux triomphait sur tous les fronts, Mme Maaskri allait allumer un cierge à Notre Dame de la Garde ; des Arméniens montraient fièrement l’église qu’ils avaient bâtie de leurs mains ; Mme Slimani partait à la conquête de la cité, au nom du commerce triomphant et de ce qu’elle appelait •guill• le mélange •guill•, mélange des origines, des histoires, des coutumes, des drames. Le film faisait apercevoir que diriger Marseille est difficile à cause du patchwork des communautés, de ces nouveaux arrivants qui, peut-être parce qu’ils ne peuvent pas encore hériter de l’histoire de la ville, l’écrivent à leur façon, avec l’espoir d’en faire hériter leurs enfants. Il y a là des mouvements de population qui laissent les politiques désarmés. Dans un système fortement clientéliste, quand tout bouge, comment constituer ou reconstituer des réseaux ? La lutte à mort entre les héritiers de Gaston Defferre — Robert Vigouroux, le •guill• bon docteur •guill• et Michel Pezet, le •guill• mauvais fils •guill• — disait le désarroi des socialistes devant une ville qui leur échappait. C’est à Marseille, avant le congrès de Rennes, que le Parti Socialiste a entamé son processus de division, que les clans rivaux, apparus au grand jour, ont montré jusqu’où ils pouvaient aller dans la violence destructrice. Une fois de plus, Marseille était aux avant-postes, sorte de zone franche, de •guill• ville expérimentale •guill• où s’essaient les pratiques politiques qui s’étendront ensuite à toute la France.