Dans le cadre de leur cinquième année de partenariat, Les Écrans Documentaires et la CLEF (Saint-Germain-en-Laye) proposent une programmation autour de la danse et de la musique, outils autant que puissance d’affirmation (de soi) et d’émancipation (des corps).
Ainsi le Krumping ou le Voguing, puisqu’il s’agit de ces formes-là, au-delà de l’histoire et des contextes très différents de leur naissance, sont indéniablement des instruments de contestation non violents contre les discriminations. Deux registres d’expressions qui ont aussi ce pouvoir à opérer et à rassembler autant dans la rue que sur une scène de spectacle ou sur le dancefloor.
Ces formes gestuelles si particulières – aux frontières du rite grimaçant pour l’un ; du défilé de mode pour l’autre – dégagent une force et une énergie communicatives décuplées par les musiques urbaines qui les accompagnent. Esthétiques et politiques, elles rendent visibles les modes de domination qui s’exercent notamment sur le corps noir ou qui pèsent sur les notions de genre et d’identité. En ce sens, Krumping et Voguing sont, avec les moyens du corps dansé et de la musique, une vibrante invitation à penser et à désirer autrement.
L’éducation, la transmission, l’émancipation, les luttes sont aussi le cœur battant de Soul Kids, le documentaire d’Hugo Sobelman sur la Stax Music Academy de Memphis (Mississipi), l’une des villes les plus pauvres des États-Unis. Cette école extrascolaire et gratuite accueille chaque année des jeunes passionné.e.s de musique qui, notamment à travers les grands tubes de soul produits dans les années 60 par le label mythique Stax Records, se réapproprient aussi l’histoire noire américaine.
Cours de chant, de pratique instrumentale ou de formation musicale et de composition, la musique, dans ses différents registres et expressions, occupe presque totalement l’espace visuel et sonore du film. Un ressenti que la très grande proximité avec les visages et les corps rend d’autant plus tangible, alors que le montage fait naître sous nos yeux la puissance et la grâce d’un collectif au travail, avec toute la ferveur et la joie qui l’anime. Car comme le fait entendre le film en voix off, « sans musique le monde serait perdu ».
Chanter et jouer ne sont donc pas les seules activités ni ambitions de l’école. Œuvrer pour une société plus juste en donnant aux élèves des outils de réflexion critique qui permettent de penser et de lutter contre toute forme de ségrégation, quelle qu’en soit son origine, est tout autant au programme. En témoigne la longue et impressionnante séquence avec la poétesse Chandra Williams qui rappelle à toutes ces jeunes personnes noires, dans une langue rythmée à la lisière du Spoken Word, que « chaque peuple a besoin de son Histoire ». Celle de l’ancienne esclave, militante abolitionniste et féministe Harriet Tubman. Et celle qui court des mouvements pour les droits civiques jusqu’à Black Lives Matter.
Au lever du soleil, sur le toit de verre de la fondation, Aurélie Dupont interprète le solo « Ekstasis », chorégraphié par Martha Graham et ré-imaginé par Virginie Mécène. Une danse suspendue, entre ciel et mer, où la performance évolue à mesure que le jour se lève.
Inventé dans les clubs underground de New-York dans les années 80, le voguing a permis aux communautés noire, latino et LGBT+ de s’affirmer et d’affronter le monde extérieur. Lasseindra Ninja est aujourd’hui une icône incontournable de cette danse. Après 10 années d’absence, elle revient sur sa terre natale, la Guyane, afin d’y former des jeunes danseurs. En leur transmettant un état d’esprit et une attitude basée sur l’affirmation de soi, elle leur livre des outils pour résister à l’hostilité du monde qui les entoure. Une danse qui sonne l’heure de la révolte.
Clément Cogitore adapte « L’air des Sauvages » extrait des Indes galantes de Jean-Philippe Rameau, avec le concours d’un groupe de danseurs de Krump, et de trois chorégraphes : Bintou Dembele, Igor Caruge et Brahim Rachiki.
À Memphis, une des villes américaines les plus sinistrées, la Stax Music Academy fait figure d’oasis. Fondée sur l’héritage du label légendaire des années soixante qui accompagna la lutte pour les droits civiques, cette école de musique, extrascolaire et gratuite, permet à des adolescents passionnés d’apprendre et de comprendre l’Histoire noire américaine à travers la découverte des plus grands tubes de la soul. Un voyage musical dans le temps et une plongée dans la pensée d’une nouvelle génération.